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Françoise Meillant
gouvernante chez George Sand

Par Vinciane Esslinger
guide-conférencière à la maison de George Sand

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LA MAISON DE FRANÇOISE

Cette maison fut, au 19ème siècle, celle de Françoise Meillant (1809 – 1886), domestique de George Sand pendant 20 ans. La grande demeure de la romancière est située à quelques dizaines de mètres seulement de la maison de Françoise. Ces deux femmes ont entretenu des relations privilégiées malgré leur différence notoire de classe sociale. Les écrits de Sand relatifs à Françoise et à sa famille sont nombreux et permettent de retracer le parcours de vie de cette femme qui n’a jamais su ni lire ni écrire, comme la grande majorité des habitants du village qui étaient de souche paysanne. 

Françoise a connu bien des malheurs. Après s’être mariée jeune à un habitant du bourg de Nohant et avoir eu deux filles de ce premier mariage, elle est veuve très tôt et se retrouve donc dans une situation difficile qui précarise son existence. George Sand s’est alors inquiétée de son sort en lui fournissant une situation avantageuse au sein de sa domesticité et de propre demeure. 

En 1842, sa vie est marquée par un nouveau malheur : cette maison qui devait être un de ses seuls biens, a été en partie détruite par un incendie provoqué par le four mitoyen de son voisin. George Sand a alors agi rapidement afin que cette terrible épreuve pour une femme veuve et sans fortune ne devienne qu’un  mauvais souvenir…

 

               Plan cadastral (section C dite du bourg) 1841                                                                        

                             Parcelle 352 = maison de Françoise Caillaud  - parcelle 351 = son jardin                                                          Parcelle = 353 = cour et maison de son voisin  - parcelle 354 = jardin du voisin

 

Françoise Meillant est née à Lourouer-Saint-Laurent, petit village voisin de Nohant-Vic. Sa famille s’est rapidement installée au bourg de Nohant. Son père et ses deux frères aînés ont été, pendant près de 30 ans, fermiers de deux des fermes (domaines de La Chicoterie et de La Porte) de George Sand qui était la plus grande propriétaire foncière de la commune. La famille Meillant, agrandie des épouses, époux, enfants et petits-enfants, vivait alors à La Chicoterie, au sein des bâtiments dépendants de cette ferme. Françoise ne s’installa pas auprès de ses parents et de ses frères car elle se maria en 1827 avec André Caillaud (1799 – 1837) et quitta le foyer parental pour s’établir auprès de son époux. Ce dernier, natif de Nohant, était alors depuis toujours au service de George Sand, comme homme à tout faire. Durant les années de jeunesse de la romancière, il était déjà au service de sa grand-mère et servait de « petit page » à la future héritière du domaine de Nohant, en l’accompagnant dans ses courses à cheval dans la campagne environnante.

Quand André et Françoise se marient, George Sand était l’épouse de Casimir Dudevant et maman d’un petit Maurice ; elle n’envisageait pas encore de s’émanciper de son époux en faisant carrière en littérature. Le couple Dudevant va alors prendre Françoise à son service comme servante. A ce titre, elle s’est occupée de Maurice et de sa petite sœur Solange. En effet, Mme Dudevant mit au monde une fille en septembre 1828. Deux semaines plus tard, Françoise mit elle aussi au monde une fille, prénommée Marie-Lucie, dont George Sand devint la marraine. Trois ans plus tard, Françoise devint maman une seconde fois, d’une fille encore, prénommée Marie-Françoise.

Au fil des années, les nombreux écrits de George Sand évoquant Françoise montrent à quel point sa confiance en sa domestique était grande. Elle semble avoir eu pour elle une véritable estime et une affection particulière. En 1837, la mort d’André Caillaud place sa veuve dans une situation délicate. Trois ans plus tard, George Sand décide d’offrir à Françoise la place de gouvernante de sa demeure, avec des responsabilités particulières mais aussi l’opportunité de vivre sous son toit, en compagnie de sa fille aînée, qu’elle prend à son service également car, ayant fait sa communion, elle en avait l’âge. Comme l’usage le voulait, elles étaient logées, nourries, blanchies par leur patronne. Cette situation était également valable lors des longues périodes d’absence hivernales de la romancière qui  passait la moitié de l’année à Paris. Françoise et Lucie semblent avoir été très dévouées au service de George Sand.

A l’automne 1842, la maison de Françoise a été très endommagée à cause d’un incendie qui s’est déclaré au four mitoyen de son voisin. La maison d’habitation de cet homme fut elle aussi en partie détruite. Les recensements de population de Nohant-Vic ainsi que la matrice cadastrale associée au plan napoléonien nous apprennent que ce voisin se nommait Guillaume Moreau. Il était le propriétaire de la toute petite maison portant le numéro 353 sur le plan cadastral, ainsi que du jardin attenant (parcelle 354). Cet homme est recensé comme journalier, c’est-à-dire qu’il était rémunéré à la journée en fonction des travaux, agricoles le plus souvent, qu’il pouvait effectuer. Ce statut social, commun dans le village à l’époque, était un des moins intéressants car particulièrement précaire.

George Sand rentrée à Paris avec les siens, n’était pas sur place au moment de l’incendie, mais s’est beaucoup inquiétée de la situation. Rapidement, elle a demandé à son demi-frère, Hippolyte Chatiron, qui était son interlocuteur privilégié sur place quand elle ne s’y trouvait pas, de faire rebâtir la maison de Françoise en partie détruite. Pour cela, elle a mobilisé ses proches afin de collecter l’argent nécessaire. Ses deux enfants, mais aussi Frédéric Chopin _qui partageait sa vie à ce moment-là et qui semble avoir eu beaucoup d’estime pour Françoise_, et encore Pauline Viardot _ jeune cantatrice qui après avoir séjourné à Nohant durant l’été précédent semble aussi avoir une estime particulière pour la gouvernante berrichonne_, peut-être aussi des amis berrichons de George Sand, participèrent à cette collecte. Elle-même donna la plus grosse somme : 120 francs, à savoir presque autant que les gages annuels de Françoise.

 

 

 

 

 

George Sand et ses deux enfants, Maurice et Solange en 1838

 

                      

 

 

                               

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Frédéric Chopin en 1838 et Pauline Viardot en 1840

George Sand eut même l’idée d’organiser à Paris une « petite soirée de personnes de personnes à nous connues pour lesquelles Pauline et Chopin feront de la musique au profit de nos incendiés de Nohant… ». Nous ne savons pas si cette soirée eut lieu. Quoiqu’il en soit, l’écrivaine réussit à obtenir une certaine somme et écrivit à son frère de rassurer Françoise de ses « émotions incendiaires ». Hippolyte s’est occupé de lui ouvrir un crédit chez un marchand de bois et un tuilier, lui a offert des pierres ainsi que des voitures pour le transport des matériaux. Dans les derniers jours de novembre, il annonce à sa sœur que la maison est rebâtie et recouverte, sauf la grange dont on s’occupera au printemps.

George Sand s’est également inquiétée du sort du voisin de Françoise. Les lettres adressées à Hippolyte nous laissent penser que l’argent récolté a peut-être aussi servi à aider Guillaume Moreau, dont le statut était si précaire, à surmonter cette épreuve. George Sand écrit à son frère qu’il fera de cette « souscription » « la distribution selon [sa] sagesse. Je crois que tu feras bien de commencer par les plus misérables, afin que ce [ Moreau] ne devienne pas un brigand durant l’hiver, qui s’annonce bien rude et bien hâtif… ». Hippolyte rassure sa sœur en lui écrivant que Moreau a trouvé un gîte pour l’hiver chez « le père Silvinot ». Il lui assure qu’il s’inquiètera de surveiller sa conduite et la manière dont il rebâtira pour ne pas rétablir un foyer d’incendie potentiel pour lui et ses voisins…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extrait de la matrice cadastrale (1843) de la section C du plan cadastral, donnant les noms des propriétaires de chaque parcelle, après reconstruction des maisons.

 

Cette démarche orchestrée par George Sand pour secourir Françoise et son voisin dans l’urgence d’une situation catastrophique pour des personnes défavorisées, est particulièrement révélatrice de l’idéologie sociale et politique que cette femme défendait alors, en pleine Monarchie de Juillet, et défendit toujours. Dans une société aux classes sociales très distinctes, la romancière, grande républicaine et démocrate, a toujours pensé qu’une République socialiste était la solution politique la plus appropriée. A ses yeux, elle garantirait plus de justice sociale entre les plus riches, minoritaires mais décideurs politiques, et les plus pauvres, paysans et ouvriers, majoritaires démographiquement mais exclus politiquement. En attendant que cet idéal républicain voit le jour, George Sand a toujours prôné la philanthropie de la part des plus riches envers les plus pauvres, et défendit toute sa vie l’idée de la force du collectif contre les intérêts individuels, voire égoïstes.

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